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Concours d'écriture Bras dessus bras dessous

« Dépêchez-vous, vous allez être en retard ! » nous crie maman.

Nous sortons sur le palier, je claque la porte et nous nous hâtons de descendre l'escalier. Arrivées dans la rue, nous courons comme des dératées sur le trottoir en rigolant telles deux gamines. Comme au bon vieux temps.

Des gouttes de pluie commencent à tomber, nous hissons notre blouson au-dessus de nos têtes en guise de capuches. Quand nous arrivons enfin devant le collège, nos joues sont rouges d'avoir trop couru. De petits nuages se forment devant nos bouches au rythme de nos respirations saccadées.

Je jette un dernier regard à celle qui me ressemble tant. Je songe à quel point j'ai de la chance d'avoir une jumelle avec qui je m'entends si bien.

-On se voit à l'intercours, devant le CDI?

-Ouais, on fait comme ça.

Nous nous étreignons hâtivement, conscientes de notre séparation imminente. Puis, dans un dernier regard, ses yeux bleutés me fixent intensément. Sa voix tremble un peu quand elle murmure :

-Tu vas me manquer.

Mon cœur se serre. Chaque jour cette étape de séparation est difficile. Nous espérions tellement être dans la même classe...

-Toi aussi. Allez, on se revoit dans une heure.

Puis, sans un mot, nos mains se lâchent pour partir chacune dans une direction opposée.

Je rehausse mon sac un peu usé sur mes épaules endolories par autant de livres et de manuels.

La journée ne fait que commencer.


Plus tard, à la sortie des cours, nous nous retrouvons comme tous les jours devant la boulangerie en face du collège. Mon cœur bat plus vite quand je la retrouve et je sais que c'est la même chose pour elle.

Contrairement à moi, Clémence n'aime pas vraiment l'école. Et lorsque nous ne sommes pas dans la même classe, ce sentiment ne fait qu'empirer. Pourtant, ce n'est pas la dernière de la classe, loin de là !


Nous entrons timidement dans la boulangerie, comme à l'accoutumée. Ici, ça sent le pain chaud et les croissants. Nos baskets foulent doucement le sol de la grande pièce. En nous voyant arriver, la boulangère affiche un grand sourire.

- Clémence et Capucine, mes plus fidèles clientes ! Deux éclairs au chocolat, comme d'habitude ?

Nous acquiesçons. J'adore quand on prononce nos prénoms, je trouve qu'ils vont tellement bien ensemble. Clémence et Capucine. Capucine et Clémence. Les jumelles inséparables.

La boulangère apporte les éclairs, Clémence tend la monnaie. Puis nous tournons les talons en saluant la boulangère.

Sur le chemin du retour, nous discutons de nos journées, d’anecdotes amusantes. Nous nous entendons tellement bien.

Enfin arrivées à la maison, nous jetons nos sacs par terre et déballons rapidement notre goûter. Je raffole des éclairs, Clémence aussi. Nous essayons par simple politesse de faire durer le plaisir, mais comme d'habitude, le goûter est rapidement engouffré. Assises sur nos lits, nous ouvrons ensuite nos cahiers et commençons nos devoirs.

La soirée se termine rapidement, joyeuse et animée.

Quand nous éteignons la lumière de notre chambre, comme tous les soirs, Clémence me tend la main au-dessus du vide entre nos deux lits. Je la prends et la serre fort. Nous nous endormons ainsi, reliées l'une à l'autre.

Il n'est pas exclu que l'une d'entre nous rejoindra l'autre dans son lit au cours de la nuit. Nous avons beau avoir 15 ans, en aucun cas nous n'avons honte de cette proximité toutes les deux. Au contraire, cela nous rend fières.

La chaleur de sa paume m'apaise et je m'endors aussitôt.

Je l'aime, ma sœur.


Le lendemain, la routine se perpétue. J'ai l'impression que les heures de cours qui me séparent de Clémence sont au ralenti, pourtant je n'ai pas le temps de voir la journée passer qu'il est déjà l'heure de rentrer. Plus qu'une journée avant le week-end !

Sur le chemin du retour, comme tous les jeudis, nous nous arrêtons au petit parc à côté du collège pour manger nos éclairs. Ce jour-là, le ciel est dégagé et de belles éclaircies nous permettent de rester plus longtemps au parc.

Nous nous asseyons sur notre banc habituel, et là, chacune raconte sa journée, nous imitons nos profs dans leurs manies hilarantes. Nos soudains grands éclats de rire font se retourner les petits du bac à sable ainsi que leurs parents. Nous les ignorons, trop peu désireuses de gâcher notre moment de bonheur toutes les deux.


Ce n'est que lorsque vient le coucher que les choses se gâtent.


Au moment d'éteindre la lumière, j'entends Clémence soupirer dans son lit.

-Qu'est-ce qu'il y a ?

- Oh, non, rien, s'empresse-t-elle de me répondre en cachant dans son sac un papier.

- C'est quoi, ça ? Dis-je en m'emparant de ladite feuille.

Elle m'arrache le papier des mains, un peu trop tard cependant pour apercevoir le 2/20 tracé au crayon rouge.

Je la fixe avec de grands yeux ronds. Clémence n'a jamais eu de mauvaise note. Jamais.

- Qu'est-ce qui t'est arrivé ??

- Mais non, c'est rien, j'ai juste été un peu distraite ! Bonne nuit sœurette.

Sur ce, elle éteint la lampe, me laissant interdite, les yeux écarquillés.

Jamais Clémence n'aurait dû avoir cette note. Il doit y avoir un problème, forcément.


Le lendemain, j'essaye par tous les moyens de lui soutirer des informations sur cette étrange note. Rien n'y fait, elle ne veut pas m'en dire plus.

Alors, je laisse tomber, parce que de toute façon ça ne sert à rien.

Nous reprenons notre vie normale.



Une semaine passe.

Comme tous les week-ends, j'ai prévu de flâner en ville. Ces rares moments dans les semaines où nous ne sommes plus toutes les deux nous permettent d'apprendre à nous séparer de temps en temps.

C'est dur, mais selon nos parents, c'est indispensable.

Ce jour là, je passe donc en magasin acheter un petit cadeau à Clémence pour lui remonter le moral. Je la trouve un peu bizarre depuis cette fameuse note...

Dans la boutique de vêtements, je cherche quelque chose que j'aime. Étant donné que le cadeau n'est pas pour moi, cette phrase peut paraître étrange, mais puisque nous aimons les mêmes choses, il faut que son cadeau me plaise pour qu'elle l'aime elle aussi !

Je fonce donc au rayon des sweats. Malgré le début de printemps assez chaud, Clémence traîne tout le temps en sweat. J'en choisis un rose poudré avec des poches, assez long, et file en caisse. En rentrant, j'ouvre doucement la porte pour ne pas me faire entendre.

Clémence est dans notre chambre, en train de dessiner devant la fenêtre. Je m'approche doucement derrière elle, prête à lui fermer les yeux avec mes mains en criant « SURPRISE !!!! », mais je m'arrête net.

Ma vue se brouille, je manque de m'écrouler par terre. Mon cœur semble ne pas vouloir retrouver son rythme normal. Clémence n'a toujours pas remarqué ma présence.

Mes yeux fixent ses bras sous ses manches retroussées.

Ils sont couverts de coupures sanguinolentes.

Ma sœur se scarifie.



Quelques mois plus tard....


Je regarde ma montre, il est 17h47. Elle ne devrait plus tarder, cela ne dure jamais plus d'une heure.

Je songe au délicieux repas de ce soir que nous a promis maman, quand soudain la lourde porte en bois massif s'ouvre enfin. La plaque dorée indiquant «psychologue » brille quand les rayons du soleil la caressent. Clémence apparaît, rayonnante. Je lui souris en retour, soulagée de la voir de nouveau.

-Alors, comment ça s'est passé ?, je lui demande.

-Super, comme d'habitude !

Nous prenons alors le chemin de la maison, chacune absorbée dans ses pensées.

Je suis tellement déconnectée que lorsque sa voix s'élève je sursaute presque.

- Au fait, j'ai oublié de te dire...

Mon sourire chaleureux l'encourage à poursuivre. Elle s'arrête de marcher, je l'imite aussitôt.

- Quoi ?

Elle me fixe de ses grands yeux. Je l'entends à peine prononcer :

- Merci.

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